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La famille de Nahel, tué par un policier le 27 juin dernier à Nanterre à la suite d’un refus d’obtempérer, a porté plainte ce mardi 4 juillet contre Jean Messiha pour « escroquerie en bande organisée » et « recel de cette infraction ». En cause : une cagnotte de soutien lancée par le polémiste d’extrême droite en faveur de la famille du policier, mis en examen pour « homicide volontaire » après la mort de l’adolescent de 17 ans. Celle-ci a atteint 1,63 million d’euros avant d’être clôturée ce 4 juillet à minuit.
L’avocat de la famille de Nahel, Maître Yassine Bouzrou, reproche à Jean Messiha d’avoir « publiquement et mensongèrement présenté Nahel M. comme un « multirécidiviste” » et d’avoir détourné les informations du fichier du traitement des antécédents judiciaires de l’adolescent « pour le criminaliser et créer un mouvement de soutien au policier ayant tiré ». Une question demeure : concrètement, cette plainte a-t-elle une chance d’aboutir ? Marianne s’est donc tournée vers des avocats pénalistes pour éclairer les potentielles suites de cet acte judiciaire.
« MANŒUVRES FRAUDULEUSES »
Selon la définition du Code Pénal, et dans le cadre de l’organisation de cette cagnotte, l’escroquerie désigne le fait de « tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi […] à remettre des fonds ». Commise en bande organisée, elle est passible de dix ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende. Maître Yassine Bouzrou dénonçant des « manœuvres frauduleuses visant à tromper les personnes » en vue d’obtenir des fonds pour la famille du policier, « techniquement, Jean Messiha a des chances d’être poursuivi à la suite de l’examen de la plainte par le parquet », anticipe Maître Emmanuelle Haziza, avocate pénaliste interrogée par Marianne. Et d’ajouter : « En revanche, l’aboutissement de la plainte va dépendre des éléments du dossier, de la défense de Jean Messiha, et de ce qu’arrivera à prouver la famille de Nahel. »
Autrement dit, les proches de l’adolescent vont devoir apporter au procureur des éléments attestant d’un recours de l’ancien porte-parole d’Éric Zemmour à des « manœuvres frauduleuses ». Mais quand bien même, selon l’argumentaire de leur avocat cité plus haut, Jean Messiha aurait « mensongèrement » présenté Nahel comme un « multirécidiviste », afin de le « criminaliser », la jurisprudence française ne considère cependant pas le simple mensonge, verbal ou écrit, comme une escroquerie. Pour que le mensonge devienne escroquerie encore faut-il pouvoir pointer l’emploi de procédés fallacieux. Charge, donc, à la famille de Nahel de justifier d’« éléments extérieurs » permettant de corroborer ce dessein de tromper.
VIOLATION DU SECRET DE L’INSTRUCTION
Mises bout à bout, toutes ces informations vont ainsi permettre – ou non – de qualifier l’escroquerie. « Le problème, ajoute Me Haziza, c’est que nous ne sommes pas censés disposer de tous ces éléments. » En effet, une information judiciaire pour « homicide involontaire » a été ouverte le 29 juin dernier par le parquet de Nanterre. De fait, la diffusion de photographies ou des informations sur le casier judiciaire de Nahel constituent, à ce stade, une violation du secret de l’instruction.
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