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« Vous êtes en train de juger un dossier à mille agressions près », a lancé au tribunal, jeudi à Lyon, l’avocat d’une victime de l’ex-prêtre Bernard Preynat, en faisant un « décompte morbide » de ses abus sexuels passés.
À l’audience cette semaine, l’ancien curé de la paroisse Saint-Luc, qui comparaît pour des agressions commises sur des scouts entre 1971 et 1991, dont une poignée seulement ne sont pas prescrites, a admis qu’il pouvait s’en prendre à « quatre ou cinq enfants » chaque semaine.
« Quatre à cinq agressions par semaine, sur la période, ça fait entre 3 000 et 4 000, vous êtes en train de juger un dossier à mille agressions sexuelles près, quand une seule suffit à briser la vie d’un homme comme on vient de vous le dire », a souligné Me Jean Boudot, devant le tribunal correctionnel.
Avant lui, Me Nadia Debbache, la première à plaider pour les parties civiles, a raconté comment son client François Devaux avait hésité jusqu’au dernier moment à venir témoigner de ses souffrances.
« Il n’était pas certain que toutes les parties civiles soient assises dans ce tribunal », a-t-elle dit. « Cette mise à nu est utile pour mieux comprendre certains silences, pour permettre à la société de comprendre à quel point une seule agression peut avoir un effet dévastateur et pourquoi cela a du sens, même trente ans après les faits, de venir devant vous ».
Neuf victimes sur dix assistent finalement au procès.
« Quand Preynat a pris la parole lundi matin, ils ont tous eu la même réaction : ils ont immédiatement reconnu la voix de celui qui, pendant des décennies, les uns après les autres, les a agressés en disant qu’il les aimait », a poursuivi Me Boudot.
« Cette affaire met plus en évidence que d’autres les ravages d’une agression sexuelle », par le nombre de victimes qui ont toutes une histoire différente et parce que ce sont aujourd’hui des adultes : « On a trente ans de recul, alors on sait aujourd’hui ce que ça fait », a insisté l’avocat de Matthieu Farcot.
Me Emmanuelle Haziza a souhaité pour une autre victime, Pierre-Emmanuel Germain-Thill, que le prévenu, âgé de 74 ans, soit condamné à une « peine lourde » — il encourt dix ans de prison. « Car vous avez anéanti sa vie d’enfant, sa vie d’adolescent, sa vie d’adulte », lui a-t-elle lancé.
Le réquisitoire est attendu vendredi, avant la plaidoirie de la défense. L’avocat de Bernard Preynat, Me Frédéric Doyez, a déjà soutenu devant le tribunal que les faits retenus contre son client, commis entre 1986 et 1991, étaient prescrits.
À l’époque, le délai était de trois ans. Il a par la suite été augmenté à vingt ans et son point de départ décalé à la majorité des victimes, ce qui a permis à certaines victimes de Preynat de porter plainte. Selon la défense, il ne peut cependant y avoir de rétroactivité de la loi. Elle avait déjà saisi la justice sur ce point durant la procédure, sans succès.
« Grâce à Dieu, les faits ne sont pas prescrits », a dit en plaidant Me Martine Bouchet, avocate d’une victime. Allusion au titre du film de François Ozon sur l’affaire et à une déclaration malheureuse du cardinal Barbarin qui disait le contraire.
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