Lors de la diffusion des vidéos, chaque personne pourra quitter la salle d’audience si elle le souhaite. Photo Libre / Unsplash
Les plaies sont toujours vives. Il y a six ans, le massacre perpétré par Mohamed Lahouaiej Bouhlel le 14 juillet 2016, sur la promenade des Anglais, à Nice, a causé la mort de 86 personnes et fait 400 blessés. Le procès, débuté le 2 septembre, se poursuit avec un choix fort de la part de la Cour. Les vidéos du parcours sanglant du camion mises à disposition par les caméras de vidéosurveillance vont être visionnées à l’audience, jeudi 15 septembre.
Quatre minutes et dix-sept secondes d’horreur durant lesquelles les victimes pleurent, crient, ou agonisent. Au terme d’une semaine de débats mouvementés, Laurent Raviot, président de la cour d’assises spéciale de Paris, a finalement tranché en faveur d’un groupe de parties civiles favorable à cette requête. « Il est essentiel de confronter les accusés aux conséquences de leurs actes. C’est une étape importante dans leur reconstruction, les victimes vont pouvoir faire entendre leur voix, exprimer leur douleur face aux accusés », plaide dans Libération Me Virginie Le Roy, une des deux avocates de l’association Promenade des Anges.
La position de l’avocate n’est toutefois pas partagée par toutes les parties civiles. Des victimes continuent de se constituer parties civiles. Leur multiplication entraîne une mosaïque de ressentis contradictoires, tantôt hostiles, tantôt favorables à la diffusion des vidéos. Si des voix s’élèvent pour affirmer que les images ne participeraient en rien à la manifestation de la vérité, Me Emmanuelle Haziza, avocate pénaliste au barreau de Lyon, tient un discours plus nuancé : « Bien que l’effroi chez les proches des victimes soit considérable, on a des vidéos qui sont des éléments de preuve. Le choix de la cour d’assises donne la coloration au dossier qui possède un intérêt national. »
La diffusion de ces vidéos suscite la réticence des avocats de la défense, qui craignent une confusion de la responsabilité pénale du terroriste avec celle des accusés. Aucun des huit mis en cause n’est jugé pour complicité, faute de preuves. Trois d’entre eux comparaissent pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle », un crime passible de 20 ans de réclusion criminelle. Toute la complexité de l’audience réside dans le fait que l’auteur de l’attentat ne soit pas jugé, les forces de l’ordre l’ayant abattu à l’issue de son crime. Un cas similaire à celui du procès de Charlie Hebdo où les frères Kouachi avaient été abattus par le GIGN.
« Ma principale réserve porte sur les jurés, auront-ils assez de distance face aux événements ? Il y a un risque de faire peser des culpabilités qui sont celles du terroriste et non celles des personnes à la barre », craint Me Emmanuelle Haziza. La diffusion de vidéos lors d’audiences judiciaires s’avère néanmoins de plus en plus fréquente dans le droit commun. « Dans les cas de violences conjugales, c’est une pratique assez répandue. Des témoins ou la victime filment la scène avec leur téléphone. Il s’agit d’un moyen de preuve plutôt fiable et efficace », poursuit-elle. L’écueil « du voyeurisme et du sensationnalisme », évoqué sur France 24 la semaine dernière par Laurent Raviot, reste une dérive dont il faut s’affranchir. L’audience du jour marque une nouvelle étape d’un marathon judiciaire qui ne s’achèvera que dans 54 jours.
Milan Busignies
Édité par Loris Rinaldi
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